Au milieu d’un paysage de ruines trônent les sept bâtiments les plus célèbres de la ville de Bruges : les septem admirationes civitatis brvgensis (ou sept merveilles de Bruges), comme on peut lire sur la banderole dans le haut du tableau. À l’avant au centre se trouve la Waterhalle, démolie en 1787. À sa gauche brille l’église Notre-Dame avec son portail du Paradis, et à sa droite le Beffroi. Au second plan, nous voyons la maison aux sept tours, le seul édifice non public du tableau. Ce bâtiment est flanqué à gauche de la Poortersloge (Loge des Bourgeois) et à droite de l’Oosterlingenhuis (maison des marchands de la Hanse). À gauche au premier plan, un cheval actionne la pompe à eau de la Waterhuys (maison de l’Eau), qui assurait l’approvisionnement en eau de la ville grâce à un réseau de canalisations. En 1567, Ludovico Giucciardini décrit la ville idéale : celle-ci doit absolument bénéficier d’un bon système d’approvisionnement en eau (Waterhuys), d’un lieu de transbordement des marchandises (Waterhalle) et de facilités pour les commerçants locaux et internationaux (Poortersloge et Oosterlingenhuis). Nous ignorons si le texte de Giucciardini a servi de fondement à ce tableau, mais les idées qu’il véhicule expliquent en tout cas pourquoi le tableau n’est pas une représentation géographiquement correcte de la ville de Bruges. L’objectif était avant tout de montrer à quel point Bruges était une ville où il faisait bon séjourner, habiter et faire du commerce.
Chef-d'œuvre flamand
Les monuments, représentés dans toute leur gloire, retiennent toute l’attention. Jusqu’à présent, on s’est peu intéressé aux ruines et aux petits personnages qui se trouvent entre les monuments. Or ce sont précisément ces éléments-là qui donnent à l’œuvre une dimension supplémentaire. Les ruines font peut-être référence à Rome. Un célèbre guide de voyage du xiie siècle intitulé Mirabilia urbis Romae décrit des édifices antiques qui tombent pour la plupart en ruine. L’auteur explique comment ces bâtiments, malgré leur état, montrent la grandeur du passé. Le raisonnement est inversé dans le présent tableau. Les sept monuments sont montrés dans toute leur magnificence, tandis que les bâtiments en ruine font sans doute allusion à la récession économique du xvie siècle. Au premier plan, devant la Waterhalle, une foule de gens se rassemble autour de quatre charlatans et, par bêtise, se laisse séduire par leurs balivernes. Cet attroupement contraste avec l’Ermite qui, tout à l’avant du tableau, s’isole de la foule sur la petite île. L’artiste ou le commanditaire veulent-ils nous dire quelque chose ? Mettre le doigt sur la plaie ? Les Brugeois doivent-ils la récession à leur propre bêtise ?